Il est des objectifs qu'on se fixe longtemps à l'avance, pour lesquels on se prépare consciencieusement, pour être au top le jour J… C’était le cas cette année pour le périple Paris-Côte Basque du 12 au 21 juin.
Et puis lorsque le but est atteint, que l’objectif de l’année est derrière soi, il y a comme un grand vide… Que faire désormais pour continuer à se motiver ?
Bien sûr, il y a les « simples » cyclosportives… Même l’Etape du Tour ne vous ferait, pour un peu, plus frissonner autant qu’avant.
Affiche du TMB 2013
Depuis la création en 2009 du Tour du Mont-Blanc Cyclo par Sport Communication, j’ai regardé cette épreuve un peu comme si elle n’était pas faite pour moi : un peu too much avec ses 330 km et surtout ses 8000 mètres de dénivelé positif.
Mais l’an dernier après avoir enchaîné les 3 Ballons, la Marmotte et l’Etape du Tour Pau-Luchon sans trop de difficulté, je m’étais dit que ça pourrait peut-être passer… Un bon Paris-Bayonne par-dessus venant confirmer cette impression…
Toutefois, je ne pensais pas que ce serait pour cette année, n’étant pas certain qu’après les 1700 km du Paris-Bayonne, j’aurais encore envie de pédaler sur des distances aussi longues !
Parcours du TMB
Malgré tout, à la veille de l’Etape du Tour Annecy/Semnoz, alors que j’arpentais le village des exposants, l’envie m’a soudainement pris de tenter l’aventure et de rejoindre mon ami Laurent Grisel déjà engagé pour cette édition et finisher en 2012 pour sa première participation. Et je me suis engagé sur le champ via internet, 5 minutes auront suffi !
A l’agonie sur les pentes du Semnoz le lendemain, j’ai d’abord amèrement regretté cet accès de témérité ! Mais voilà c’était fait et il fallait désormais assumer !
Profil du TMB : aïe aïe aïe !
Samedi 20 juillet 2013
Après avoir fait route avec Laurent Bruynooghe et Laurent Grisel pour rejoindre Les Saisies, nous retrouvons de têtes connues comme Yves Simon, Ferdinando Marinozzi, Michel Aubriot et Christine, ou encore Christian Haettich, avant de recueillir les informations importantes de l’organisation concernant le parcours et les problèmes de logistique de la journée du lendemain.
La pasta party proposée par Sport Com’ est en revanche une mauvaise option, après coup il s’avère qu’il aurait été préférable de préparer nous-mêmes un bon plat de pates…
Puis nous rejoignons l’appartement du Belambra Club loué pour l’occasion, situé en remontant vers le Signal de Bisanne à 3 km du lieu de départ.
Dimanche 21 juillet 2013
L’heure de départ du TMB a été reportée d’une demi-heure à 5h30, de façon à permettre une descente vers Megève un peu moins dans la pénombre. C’est une sage décision permettant d’assurer une meilleure sécurité. C’est sympa aussi pour gagner 30 minutes supplémentaires de sommeil !
3h45 : le réveil est difficile comme d’habitude, le petit déjeuner est avalé lentement, mais pour autant il n’est toujours pas aussi complet qu’il le faudrait, je l’apprendrai une nouvelle fois à mes dépens un peu plus tard dans la journée…
5h10 : Les 2 Laurent et moi sommes prêts à partir de l’appartement pour rejoindre la ligne de départ, Laurent B et moi avons pris un sac à dos pour pouvoir y mettre le nécessaire de réparation et pouvoir y verser les manchettes et le coupe-vent jaune lorsque la température le permettra.
Pour rejoindre le départ, une descente dangereuse pleine de trous à peine visibles puis la remontée sur la rue principale des Saisies jusqu’au lieu de départ.
Sur la ligne de départ
5h35 : « AMENO » du groupe ERA, comme hymne du TMB, salue notre départ… Bigre, ça nous donnerait presque la chair de poule…
Nous sommes environ 300 à nous élancer, une grande majorité de solos et quelques relais, dans la descente vers le Val d’Arly.
Déjà, malgré l’allure contenue du véhicule de la direction de course, ça file à toute allure dans la descente pour revenir le plus possible devant. Certains prennent des risques assez inconsidérés alors que le revêtement est assez quelconque, quelques trous et rainures étant assez difficiles à appréhender dans la pénombre.
Au bas de la descente au moment de récupérer la route de Megève, je ne me trouve finalement pas trop mal placé et en peu de temps je rejoins le premier groupe pour la traversée de Megève et la descente vers Saint-Gervais, où je reste hyper concentré pour ne pas trop reculer.
Le profil du circuit, jusqu’au passage en Suisse est constitué de plusieurs montées successives relativement courtes, histoire de bien se mettre en jambes avant les gros morceaux que sont les Grand et Petit Saint-Bernard ou encore le Cormet de Roselend.
Et c’est encore ce qui me convient le mieux à ma morphologie qui n’a rien de celle d’un grimpeur !
J’ai préparé la veille une feuille de route en prenant en compte les temps de passage de Laurent Grisel en 2012, en ajoutant quelques minutes dans les ascensions et en en retranchant d’autres sur la fin du parcours où il avait un peu coincé, si bien que l’arrivée aux Saisies, si tout va bien, est prévue pour 21h30 (21h pour un départ à 5h initialement).
Bien que j’ai en tête l’impératif de ne pas trop puiser dans les réserves au départ, et que je me sois interdit de dépasser les 155 bpm, le fait que je me trouve dans un groupe qui avance bien et dans lequel j’y retrouve les amis Laurent G, Yves et Ferdinando, me force finalement à produire les efforts pour rester accroché à ce groupe, avec lequel nous franchissons la première heure de course à la moyenne de 40 km/h et qui se réduit à quelques unités dans la première montée notable en lacets de Vaudagne (km 54), après avoir atteint un pic à 162 bpm !
Malgré le rythme imprimé par notre groupe, je prends le temps d’admirer les merveilleux paysages alpins, la vue sur le Mont-Blanc comme un fil rouge tout au long du parcours et des panoramas à couper le souffle.
Col des Montets
Après la traversée de Chamonix et une ascension très correcte du col des Montets (km 77), je me retrouve avec Yves pour parvenir au col de la Forclaz (1526 m, km 96) et entamer sur le territoire Suisse une très belle descente vers Martigny, avec une pointe assez extraordinaire pour moi à près de 90 km/h. Il faut dire que la descente est large et le revêtement de très bonne qualité !
Avec Yves au col de la Forclaz (CH)
Au point ravitaillement des Valettes au km 109, je m’arrête pour manger un mini sandwich au jambon, ce qui ne se révélera pas suffisant. Ca fait déjà quelques km (avant le col des Montets !) que j’ai une sensation de faim mais comme par ailleurs je voudrais passer le moins de temps possible arrêté… Yves est déjà reparti et j’enfourche mon vélo juste avant Laurent Grisel, qui repart derrière moi, me laissant à mon sort au bout de 500 mètres d’ascension de la côte de Champex Lac.
Début de la côte de Champex Lac
Laurent Grisel, au ravitaillement des Valettes
Champex Lac est de l’avis de tous l’une des plus difficiles du TMB, avec ses 11 km à plus de 8% de moyenne. Effectivement, la pente ajoutée à la chaleur déjà bien installée commencent à peser sur l’organisme, le coup de pédale devient moins fluide, je gère comme je peux, seul, et c’est mieux comme ça.
Quelques passages ombragés sont les bienvenus, je bois régulièrement et passe le temps en contemplant le paysage, encore et toujours magnifique !
La vue sur le Lac de Champex est un enchantement, je suis doublé par 2 avions que je parviens à suivre pour contourner le Lac et entamer la descente vers Orsières. Je dois me faire violence pour rester dans leur sillage et au bas de la descente, la récompense, c’est que nous rejoignons l’ami Yves !
Lac de Champex
Nous sommes au km 130, il fait désormais très chaud et la route du col du Grand Saint-Bernard que nous prenons maintenant est réellement calamiteuse : voitures, motos prenant la direction de l’Italie, provoquent un boucan continu et assourdissant. Bien que la pente ne soit pas très importante, je sens que je perds pied petit à petit et Yves, qui aime progresser à grands coups de position danseuse, finit par me décrocher. Je ne tente pas de le suivre, il me faut prendre mon mal en patience en attendant que ça aille mieux. Heureusement les tunnels permettent de s’abriter du soleil, mais la contrepartie c’est que les vrombissements des moteurs résonnent à qui mieux mieux… 20 km dans ces conditions, c’est pire qu’une punition. Et enfin, lorsque nous quittons la route du tunnel du Saint-Bernard pour prendre les 8 derniers km menant au Col, la pente s’élève douloureusement pour ne jamais descendre sous les 8%. Je suis complètement cuit, j’ai l’impression de revenir une semaine en arrière dans l’ascension du Semnoz. A ce moment-là, je ne me donne guère plus de chances de rallier l’arrivée sur le vélo, étant doublé désormais régulièrement et de plus en plus souvent, notamment par Cédric et Stéphanie très faciles à 2 km du sommet.
Sur la route du Col du Grand Saint-Bernard
Quoi qu'il en soit, au passage du Grand Saint-Bernard à 2469 mètres d’altitude, soit à mi-course, mon compteur n’affiche pas encore 7h de roulage et je possède un quart d’heure d’avance sur mon tableau de marche. Je m’arrête un peu chancelant et titubant au point ravitaillement situé en contrebas du col pour boire quelques verres de coca et manger quelques bricoles en attendant un ravitaillement plus conséquent.
Col du Grand Saint-Bernard
La descente vers le Val d’Aoste est longue et aurait pu se révéler agréable avec un petit vent frais pris de face.
Or, je dois composer dès les premiers lacets avec une terrible envie de dormir que jamais encore je n’avais ressentie sur un vélo auparavant ! Incroyable, j’ai du mal à garder les yeux ouverts et de plus en plus de difficulté à distinguer la route qui défile sous mes yeux. Ca va durer un bon nombre de kilomètres durant lesquels évidemment ma vitesse s’en ressent considérablement. Je roule au ralenti, me demandant s’il n’est pas temps de mettre pied à terre et de piquer un petit somme au bord de la route !
J’ai quand même le réflexe d’avaler quelques pates de fruits que j’avais récupérées au ravitaillement des Valettes et de boire quelques gorgées. Lorsque j’ai sommeil en voiture, le fait de manger ou boire permet d’atténuer la sensation d’endormissement. Bon réflexe, car ça finit par repartir et j’arrive à suivre dans la foulée les 3 gars qui viennent de me dépasser à vive allure !
Alors cette somnolence soudaine est-elle due à l’altitude, à une fringale, à la fatigue, ou à la conjonction de plusieurs éléments ?
Dans la descente du Col du Grand Saint-Bernard
L’approche de la vallée d’Aoste se fait donc à la traîne d’un petit groupe lancé à vive allure dans la fin de la descente du Grand Saint-Bernard. 2 gars notamment sont complètement barges, je ne suis pas certain de surcroît qu’ils participent au TMB.
L’entrée dans Aoste est à se tordre de rire, L’un des 2 kamikazes finit sa course dans la voie d’entrée de l’autoroute, tandis que l’autre s’arrête net après avoir pris la bonne route, pour hurler par-dessus le parapet après son collègue pour le faire revenir sur ses pas !
En attendant, avec le troisième du groupe, nous attendons patiemment leur réintégration pour repartir, de plus belle, sur quelques centaines de mètres, où ils s’arrêtent de nouveau à un rond-point après avoir délaissé la pancarte directionnelle du TMB indiquant la route du Petit Saint-Bernard.
Nous repartons à 2 donc, avec le dossard 270, pour traverser l’agglomération d’Aoste, toujours sous une forte chaleur.
Le prochain objectif est de rejoindre le ravitaillement de La Salle, situé à une vingtaine de km, pour s’alimenter suffisamment.
Je redoutais ce passage en vallée d’Aoste, mais finalement nous sommes un peu poussés par le vent favorable et il y a toujours ces magnifiques paysages à admirer… Je ne laisse à mon compagnon de route que très peu d’occasions de rouler devant, et je devine aux questions qu’il me pose sur le prochain ravitaillement qu’il est également pressé d’y arriver… En fait il m’enfume grave, pendant que je roule il se ravitaille, je ne le verrai qu’après sur les photos prises à l’aveugle !
Vallée d'Aoste
Avec mon compagnon de route du moment
Cascade peu avant La Salle
Enfin, le ravitaillement de La Salle au km 216. Je fais le plein de mes bidons, satisfais à un besoin naturel puis je mange un nouveau mini sandwich. J’oublie totalement de demander s’il y a des pates, alors que j’avais écrit « pates » noir sur blanc sur mon tableau de marche ! Quelques pates de fruits et fruits secs engloutis et c’est reparti 5 mn plus tard vers le col du Petit Saint-Bernard. Mon comparse des km précédents est déjà loin !
Au Pré-Saint-Didier, au pied du col du Petit Saint-Bernard, je croise des cyclosportifs dont l’épreuve emprunte la descente du col, ça fait un peu d’animation pour entamer la montée longue d’une vingtaine de km. L’allure est régulière, je suis un peu rassuré, les virages ne sont ni trop plats comme à l’Alpe d’Huez, ni trop relevés, je recommence à doubler des concurrents, et beaucoup de passages sont bien ombragés.
Après la traversée de La Thuile, et surtout celle de Pont Serrano, les choses se compliquent, je recommence à coincer sous l’effet de la chaleur, il n’y a plus d’ombre et la pente se durcit un peu. La moyenne s’en ressent, j’ai du mal à dépasser les 10 à 11 km/h. De nouveau l’arrivée au col à 2188 mètres d’altitude est une petite délivrance, et je recommence à douter de pouvoir terminer, avec les 2 gros morceaux à venir, le Cormet et la montée sur Les Saisies.
Lac Verney au Col du Petit Saint-Bernard
Bis repetita dans la descente vers Bourg-Saint-Maurice, me prend encore une furieuse envie de dormir, mais cette fois je n’ai plus de pates de fruits dans la poche, je me contente de boire très souvent pour me forcer à me maintenir éveillé, puis de nouveau l’envie de dormir passe après la traversée de La Rosière, je parviens alors à suivre 2 gars qui descendent plutôt bien et avec qui je rallie le point ravitaillement de Bourg-Saint-Maurice au pied du Cormet de Roselend.
J’ai pris la décision dans la descente précédente de m’alimenter correctement. Mais je vais encore louper le plat de pates, posé au sol et que je ne verrai qu’au moment de repartir ! Je prends un petit bol de taboulé que je déguste assis sur un banc, sans me presser, en discutant avec l’un des bénévoles présents. Ca va me faire un bien fou cette halte d’un quart d’heure avant d’attaquer les 19 km d’ascension du Cormet de Roselend, un « presque 2000 m. »
Traversée du Châtelard, au pied du Comet de Roselend
J’ai déjà franchi à 2 reprises ce col, mais jamais au départ de Bourg-Saint-Maurice. Il n’est fort heureusement pas très difficile, hormis quelques passages assez brefs. Après avoir géré sur 8 à 9 km, l’effet du ravitaillement commence à se faire sentir : je sens les jambes et surtout le souffle revenir. Comme dans le même temps, la température s’est largement atténuée alors que la couverture nuageuse se fait de plus en plus présente au-dessus de nos têtes, je me sens totalement d’attaque, si bien que je commence à rattraper des concurrents qui m’avaient doublé au pied du col puis à les semer avant le sommet.
La batterie de mon Garmin, elle, finit par s’épuiser totalement au bout de 295 km, à 2 km du sommet et je lance l’application Strava sur l’Iphone pour prendre le relais jusqu’à l’arrivée.
Sur la route du Cormet de Roselend
A proximité du sommet du Cormet de Roselend, quelques gouttes commencent à tomber, sans toutefois mouiller complètement la route.
Au point ravitaillement que je loupe dans un premier temps (ça devient une habitude au Cormet, sur la Haute Route 2011, pris par l’élan j’avais dû faire demi-tour après avoir passé sans le voir le ravitaillement dans l’autre sens !), je dois revenir en arrière pour faire le plein du bidon vide... Bidon que je vais oublier sur la table en repartant !!
Finalement ce n’est pas très grave car, après avoir pris soin de remettre les manchettes et le gilet jaune, je repars sous une pluie fine qui se transforme en quelques dizaines de secondes en trombes d’eau ! Impressionnant ce changement radical de temps en quelques km ! Toute la descente sur les freins, les petites montées autour du Lac de Roselend font un bien fou pour se dégourdir les mains !
Avant d’arriver sur Beaufort, il faut prendre la direction de Hauteluce pour rejoindre Les Saisies. Malgré la pluie qui s’est atténuée, je ressens les bouffées d’air chaud au moment d’entamer l’ascension. La pluie battante a eu sur moi l’effet habituel, plus de mal aux jambes, ça tourne bien, je ne me sens plus passif sur le vélo. Comme sur la dernière étape du Paris-Bayonne entre Pau et Saint-Jean-Pied-de-Port, la pluie a eu un vrai effet revigorant.
J’apprécie à sa juste valeur la portion roulante de quelques km avant Hauteluce puis je gère tranquillement jusqu’à l’arrivée en subissant une dernière douche froide qui vient me brûler les yeux.
Mon compteur éteint depuis le Cormet n’affiche plus rien, et redoutant que l’Iphone dans la poche du maillot prenne l’eau, je préfère l'y laisser et je suis donc contraint de me fier aux bornes kilométriques qui indiquent le nombre de km restants jusqu’au col des Saisies, situé un peu après l’arrivée… Au fur et à mesure que l’arrivée approche, je me sens pousser des ailes, c’est incroyable ce que le corps humain peut endurer après autant d’efforts ! Pour un peu, j’arrive presque frais sur la ligne d’arrivée. Il est 20h54, j’ai donc gagné 36 minutes sur mon tableau de marche. Heureux de l'avoir fait !
Je retrouve à l’arrivée Ferdinando déjà douché et changé qui aura mis 90 minutes de moins et je m’empresse de rejoindre l’appartement pour ne pas prendre froid, non sans avoir fait une petite halte pour immortaliser le superbe arc-en-ciel couronnant les montagnes environnantes.
La galerie de photos sur Picasa
Données Garmin :
Temps total : 15h19
Temps officiel : 15h24
Temps roulé : 14h39
Temps arrêts cumulés : 45 minutes
Calories dépensées : 11064
Température basse : 9° C et haute : 38° C
Vitesse maxi : 94 km/h dans la descente du col de la Forclaz
Voilà de bonnes bases pour tenter de faire mieux la prochaine fois, peut-être dès 2014 !
Arc-en-ciel au-dessus des Saisies - 21 juillet 2013 vers 21h